LE PROJET / SES SOURCES

« Tout le monde le savait !Comme ça se passait aux Vermiraux? Tout le monde le savait.Aussi bien les maires, que les gendarmes, que le curé, tout le monde le savait,personne ne disait rien… »« A l’époque ils en parlaient, les anciens, mais entre eux c’est tout -et encore, à mots couverts. »« Les événements étaient horribles, tellement horribles que les anciens n’voulaient pas le répéter à personne. Fallait pas que les descendants apprennent ça… »
Trois habitants de Quarré-les-Tombes, Salle de la Mairie,Soirée de restitution, 9 avril 2005, 21h30

proces-comprimee.jpg Par Emmanuelle Jouët, docteur en sciences de l'éducation:

En décembre 2007, à la suite de ma soutenance de doctorat en sciences de l’éducation, j’ai cherché à mettre en œuvre la réalisation d’actions artistiques autour de l’Affaire des Vermiraux.

Serge Sandor, metteur en scène, http://cielabyrinthe.free.fr, qui travaille avec des populations en situation d’exclusion sociale et fragilisées, a été immédiatement séduit par l’idée de monter avec la population morvandelle une pièce de théâtre. Cent ans après la révolte (juillet 1910-juillet 2010) et cent après le procès (juillet 1911-juillet 2011), l’idée de faire participer les habitants des villes concernées par l’évènement Quarré-les-Tombes et Avallon, ainsi que ceux de la région, lui a semblé un challenge passionnant à relever en termes de création.
Nous avons donc parcouru pendant trois années les routes sinueuses du Morvan afin de chercher des partenaires locaux qui seraient séduits par un tel projet et souhaiteraient se joindre à nous pour faire vivre la mémoire des enfants de l’Assistance publique et des familles nourricières qui les ont reçus pendant plus de cent ans dans toute la région.
Avec succès, semble-t-il, puisque la pièce de théâtre « Les enfants des Vermiraux » va voir le jour au début du mois de Juillet 2011, ainsi que de nombreuses activités artistiques et culturelles autour du thème de l’accueil.

 Ce projet trouve ses racines dans un travail d’analyse des secrets en place autour d’une affaire de maltraitance d’enfants au sein d’une communauté villageoise du Morvan au début du 20ème siècle, Quarré-Les-Tombes. L’institution privée morvandelle, située au lieu dit « les Vermiraux » accueillait des enfants de l’Assistance publique et de l’administration pénitentiaire. Le 18 juillet 1911 commence un procès retentissant contre ses gérants. Sept jours plus tard, les condamnations s’étalent de trois ans de prison ferme à deux mois avec sursis. Il s’agit de la première condamnation sévère dans une affaire collective de surviolence à enfants. C’est la révolte des pensionnaires en 1910 qui a entraîné l’ouverture d’une instruction et a abouti à ce procès contre, les responsables de l’établissement. Ces derniers ont construit un système d’exploitation d’enfants fragilisés socialement et se sont enrichis au détriment des enfants, sous couvert de l’administration de l’Assistance publique, de l’administration pénitentiaire et de celle de l’Instruction publique.Prés d’un siècle plus tard ne subsistait en apparence dans le village plus aucune trace de cet évènement pourtant tant médiatisé à l’époque.La démarche ethnologique qui a été conduite par Emmanuelle Jouet, a donné lieu à des décryptages d’archives, à des moments de partages oraux individuels et collectifs, voire à l’élaboration d’une mémoire commune nouvelle. C’est le mouvement d’alternance de périodes successives d’enfouissements des faits, et de leur dévoilement qui justifie le projet d’une écriture théâtrale. Durant son travail, Emmanuelle Jouet, chercheuse et docteur en sciences de l’Éducation, a toujours pensé que ce drame trouverait toute sa résonnance et son écho auprès d’un large public au travers d’une création théâtrale. Après de multiples rencontres, elle a choisi de travailler avec Serge Sándor qui pouvait mener à bien cette création tant sur le plan de l’écriture que sur le plan humain lors d’une création scénique de qualité avec des jeunes de la région. En effet Serge Sándor a toujours partagé son temps entre des créations professionnelles et des créations avec des gens souvent en détresse et très marginalisés comme en prison ou avec des SDF, des femmes battues, des jeunes de banlieue. Ils souhaitent aujourd’hui unir leurs écritures afin de créer une pièce de théâtre portant sur les évènements centraux de l’ « affaire des Vermiraux ». Cependant, ils ne sauraient le faire sans ancrer leur création dans le territoire du Morvan et ni la partager avec les habitants. Leur objectif est de poursuivre le travail sur la mémoire collective, initiée lors de la thèse éponyme, et de favoriser des échanges et des rencontres sur les thèmes de l’enfance « assistée », « en danger » « dangereuse », « aliénée » qui sont non seulement des enjeux pour l’histoire et la mémoire du Morvan et de ses habitants mais qui répondent également à des enjeux de société plus que cruciaux, à l’heure des remises en cause des lois de 1945 relative à l’enfance délinquante et de celle de la pénalisation des personnes vivants avec des troubles psychiques.


Le 15.03.2009 par Emmanuelle Jouët:
Un livre présentant les parties principales de cette monographie va être publié aux Editions L’oeil D’or en avril 2011. Une souscription lancée par l’éditeur est en cours à cette adresse http://enviedesavoir.org/
 C’est à partir de ce texte que les auteurs vont construire leur projet de théâtre, la trame narrative étant déjà constitutive de la trame historique.